Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
17 mai
CHAPITRE XVII
Que l'amour d'espérance est fort bon, quoique imparfait
Cet amour donc que nous appelons espérance, est un amour de coavoitise, mais d'une sainte et bien ordonnée convoitise, par laquelle nous ne tirons pas Dieu à nous, ni à notre utilité, mais nous nous joignons à lui comme à notre finale félicité.
Nous nous aimons ensemblement avec Dieu par cet amour, mais non pas nous préférant ou égalant à lui en cet amour: l'amour de sous-mêmes est mêlé avec celui de Dieu, mais celui de Dieu surnage ; notre amour-propre y entre voirement, mais comme simple motif, et non comme fin principale; notre intérêt y tient quelque lieu, mais Dieu tient le rang principal.
Oui, sans doute, Théotime ; car quand nous aimons Dieu comme notre souverain bien, nous l'aimons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous à lui; nous ne sommes pas sa fin, sa prétention, ni sa perfection, ains il est la nôtre; il ne nous appartient pas, mais nous lui appartenons.
Il ne dépend point de nous, mais nous de lui; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aimons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de lui, il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous pratiquons notre indigence et disette; de sorte qu'aimer Dieu en titre de souverain bien, c'est l'aimer en titre honorable et respectueux, par lequel nous l'avouons être notre perfection, notre repos et notre fin, en la jouissance de laquelle consiste notre bonheur.
Il y a des biens desquels nous nous servons en les employant, comme sont nos esclaves, nos serviteurs, nos chevaux, nos habits; et l'amour que nous leur portons, est un amour de pure convoitise; car nous ne les aimons que pour notre profit.
Il y a des biens desquels nous jouissons, mais d'une réciproque et mutuellement égale jouissance, comme nous faisons de nos amis; car l'amour que nous leur portons en tant qu'ils nous rendent du contentement, est voirement amour de convoitise, mais convoitise honnête, par laquelle ils sont à nous, et nous également à eux; ils nous appartiennent, et nous pareillement leur appartenons.
Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dépendance, participation, et sujétion, comme nous faisons de la bienveillance de nos pasteurs, princes, pères, mères, ou de leur présence et faveur; car l'amour que nous leur portons est aussi certes amour de convoitise quand nous les aimons, en tant qu'ils sont nos princes, nos pasteurs, nos pères, nos mères; puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de père, ni de mère, qui nous les fait aimer, aine parce qu'ils sont tels en notre endroit et à notre regard.
Mais cette convoitise est un amour de respect, de révérence, d'honneur: car nous aimons, par exemple, nos pères, non parce qu'ils sont nôtres, mais parce que nous sommes à eux: et c'est ainsi que nous aimons et convoitons Dieu par l'espérance: non afin qu'il soit notre bien, mais parce qu'il l'est; non afin qu'il soit nôtre, mais parce que nous sommes siens; non comme s'il était pour nous, mais d'autant que nous sommes pour lui.